martes, 15 de mayo de 2018

chemins de pierres / CAMINOS DE PIEDRA

  



  Hay ocasiones en que nuestros viejos papeles, nos socorren, como esta, estaba en un impase, la serie sobre los edificios tranviarios, se nos había vuelto árida, y aunque disponemos del material para completarla teníamos ganas de cambiar de tema, por otro lado la entrada que preveíamos publicar sobre  carreteros y carroceros, aún no había madurado suficiente.
Fue entonces cuando al azar en una vieja revista de “la Vie du Rail”, encontramos un magnífico artículo sobre el transporte por diligencia en Francia, lo incluimos a pesar de su longitud y solo nos tomaremos la labor de hacer una traducción inteligible que dejamos para la próxima entrada
La poste aux chevaux et le relais de la diligence à Luz vers 1835. (Lithographie de Jacottet).



  
LES VOYAGES EN FRANCE
au temps des chemins de pierres.
Par Gerard Piot

«Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, six forts chevaux tiraient un coche.»

Jean de La Fontaine

   Chaque jour des dizaines de milliers de personnes parcourent en chemins de fer, sans fatigue, sans risques et en quelques heures, des distances pour lesquelles leurs arrière-grands-parents restaient parfois des semaines en route. Déjà, aux yeux de certains, le train paraît si peu rapide qu'Ils attendent avec impatience le moment où l'aérotrain ou quelque autre moyen de transport futuriste leur permettra de gagner encore de précieuses (1) minutes sur le temps de trajet. En sera-t-on plus heureux ? Ce n'est pas du tout certain. Nos ancêtres, en tout cas, s'accommodaient fort bien de la longueur des voyages; il est vrai qu'ils n'avalent pas le choix!

Jusqu'au milieu du XVIe siècle, qui voulait voyager devait le faire par ses propres moyens. Ecoliers, pèlerins, gens d'armes, religieux, colporteurs... circulaient à pied; d'autres recouraient à une mule; les plus favorisés allaient  à cheval. Personne, à moins d'y être contraint par quelque impotence, n'utilisait les lourdes charrettes de l'époque, non suspendues et montées sur deux essieux rigides, qui mettaient au supplice ceux qu'elles transportaient.

Seule alors la route de Paris à Orléans est pavée, encore est-elle en triste état. Les autres chemins, qui ne bénéficient d'aucun entretien, sont coupés en de nombreux endroits, souvent en raison des empiètements des riverains, et de ce fait, impraticables.
Dans ces conditions, il faudrait être bien téméraire pour créer un service régulier de transports. Tout au plus voit-on les messagers des universités convoyer de temps à autre des voyageurs qui  la plupart du temps - sont des écoliers confiés à leurs soins.
Le relais de la diligence a Pierrefitte (Hautes-PYrénées) en 1836 (Litographie de Daudiran). 

Les «premières» coches ne valent pas un bon cheval
Nous ne savons pas au juste quand apparurent les premiers services de voitures publiques. Il en existe quelques-uns au temps de Charles IX, généralement affermés par les universités en complément de leurs services de messagers. C'est ainsi qu'en 1571 la duchesse de Guise se rend à Troyes, fort démocratiquement dans «une» coche de l'université de Paris. Dans le même temps, les universités de Poitiers et de Bordeaux font exploiter des lignes de coches vers Tours, Niort, Nantes, Paris ou Bayonne.
Ces lourdes voitures qui ont assuré les premiers transports en commun dans notre pays ne sont ni rapides - elles font en une journée une dizaine de lieues de quatre kilomètres - ni confortables, étant constituées par une simple caisse dont les côtés sont pourvus de rideaux de cuir dans la partie supérieure. Deux portes sont ménagées dans le rebord en bois et également fermées par des mantelets en cuir. Au moins sont elles suspendues, soit par des cordes, soit par de solides lanières de cuir -d'où leur nom de chars branlants- ce qui représente un gros progrès par rapport aux charrettes rigides.
Les lignes de coches restent fort peu nombreuses et chacune n'a qu'un seul véhicule qui fait le trajet chaque semaine, voire chaque quinzaine. Quand on ne dispose pas d'un coche régulier il est cependant possible d'en louer un; c'est ce que fait un riche marchand de Paris en 1587 pour mener à Poissy sa fille qui doit faire son éducation au couvent; U lui en coûte « sept écus, sol, pour trois journées de louage d'une coche dans laquelle la dite Marie de Santeul a este menée en la dite abbaye de Poissy et treize écus-sol pour la dépense faite à la conduite de la dite Marie de Santeul par aucuns de ses parents et amis...»
Ce n'était sans doute pas à la portée de tout le monde!
Il faut ajouter que les coches privés ne sont qu'en très petit nombre et que les plus grands personnages du royaume n'en possèdent pas toujours.
S'il y avait deux carrosses (le nom vient de l'italien) à la cour de François Ier, il est curieux de noter que, 60 ans après, Henri IV n'en possède qu'un seul. N'est-il pas amusant de penser que lorsque la reine se sert de cet unique véhicule, le bon roi reste à la maison; il écrit en effet à Sully «Je ne pourrai aller vous retrouver, ma femme m'ayant pris mon coche ».

Outre le voyage à pied, la façon la plus courante de circuler à la fin du XVIe siècle est donc encore d'utiliser le mulet ou mieux un cheval, mais tout le monde ne peut avoir l'insouciance et la philosophie tranquille de Montaigne lorsqu'il trouve de tels agréments au voyage:
«S'il fait laid à droite, je prends à gauche  
     «Si je me trouve mal propre à  monter à cheval je m'arrête
        «Ay” je laissé quelque chose derrière  moi, j'y retourne,
 c'est toujours  mon chemin».

Pourtant il n'y a pas que des oisifs sur les routes; pour ceux qui sont obligés de prendre la route et ne le peuvent par leurs propres moyens, les voyages restent aussi difficultueux. Tandis que le coche de terre ne fait que des progrès insignifiants, les coches par eau se montrent des concurrents actifs, tel le coche de Montereau, énorme barque pouvant porter 400 personnes.

Les provinces refusent d’être «désenclavées».
   Henri IV a une telle conscience de l'insuffisance des moyens de transport qu'il crée en 1594 l'office de commissaire général et surintendant des coches publics du royaume puis ordonne «que par toutes les villes bourgs et bourgades de ce dit royaume, de traite en traite, selon les journées ordinaires, tant sur les grands chemins que traveuses seront établis chevaux de relais à journée pour voyager», institution qui vient donc doubler les relais de la poste aux lettres créée, elle, par Louis XI (1), pour la circulation' des dépêches royales. Un peu plus tard le roi attribue à Sully la charge de Grand Voyer de France, mais les efforts consentis pour remettre les routes en état se heurtent à de très fortes oppositions.
(1) Le roi avait prescrit. en 1464, de disposer de 4 en 4 lieues des chevaux" propres à courir le galop », mails les montures de cette poste au," lettres étalent réservées, à l'origine, au," courriers du roi.

La « diligence à ressorts» en 1760. Cette voiture qui, selon un chroniqueur de l'époque, était 
« la plus utile et la plus commode du royaume» pauvait transporter huit voyageurs. 
Elle partait du quai des Célestins à Paris pour atteindre Chalon-sur-Saône en 5 jours; 
elle y était relayée par un coche par eau jusqu'à Lyon.




Tandis qu'à notre époque toutes les assemblées locales font chorus pour demander la construction de nouvelles routes destinées à «désenclaver» des localités pourtant suffisamment pourvues en moyens de communication, il est curieux de lire les doléances adressées au Roi à ce sujet en 1610 par les Etats de Normandie:
«Les mandements envoyés presque tous endroits de la province par les lieutenants de M. de Sully, grand Voyer; pour élargir et asplanader les chemins, sont fâcheux au peuple qui supplie votre Majesté faire cesser telle poursuite et recherche».
En dehors du mauvais état des routes; une autre cause gêne le développement des coches: le manque de chevaux de trait, alors que les lourds véhicules en exigent de grandes quantités, La poste aux chevaux n'est d'ailleurs organisée que progressivement et les possibilités de relais sont restreintes. Cette insuffisance des chevaux de trait est telle en certaines régions que l'on verra encore, en plein XVII" siècle, quelques vieux gentilshommes venir du Languedoc à la cour de Louis XIV dans des carrosses tirés par des bœufs!


Partira ?,... Partira pas ?

On connaît par un guide du temps le nombre de lignes de voitures publiques partant de Paris en 1647, peu d'années donc après le début du règne du roi-Soleil. Il y avait alors 43 coches (1). Ceux de Noyon, d'Orléans, de Rouen, de Saint-Quentin partaient tous les jours; il en était de même pour celui de Fontainebleau mais seulement lorsque le roi s'y trouvait.
D'autres services étaient assurés deux fois la semaine, ou une seule fois seulement, tel celui de Dijon. D'autres encore, comme celui de Dourdan ou celui de la Ville Dieu, partaient lorsqu'ils avaient assez de voyageurs et l'on pouvait voir, rue de la Cossonnerie, sur le mur de l'auberge des 4 fils Aymon, d'où s'ébranlait le coche d'Auvergne., cette inscription encourageante « part quand il peut ».
Si l'on veut avoir une idée de la durée du voyage, disons que le coche de Dijon, pour effectuer les 75 lieues du trajet, mettait 8 jours en hiver et 7 en été; il en coûtait 24 livres par voyageur.
Ces coches ou carrosses de voiture étaient alors d'énormes fourgons en bois et fer pouvant emmener une dizaine de voyageurs avec leurs malles et porte-manteaux. On attelait parfois Jusqu'à huit chevaux aux quatre brancards de ces voitures.

(1) Voie! la destination des 43 services de coches partant de Paris en 1647 : Abbeville, Alençon, Amiens, Angers, l'Auvergne, Bar¬sur-Aube, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Bourges, Gaen, Châlons-sur-Marne, Ghalon¬sur-Saône, la Champagne, Chartres, Châteaudun, Château-Thierry, Compiègne, Dijon, Dourdan, Dreux, la Flèche, Fontainebleau, Laon, Lyon, Le Maris, Metz, Montdidier, Montagne, Nancy, Noyon, Orléans, Poitiers, Reims, Rennes, Rouen, Saint-Quentin, Sedan, Soissons, Tours, Traverse de France, Troyes, Ville-Dieu.


Dans le même temps, il existait un moyen de transport plus rapide mais aussi plus coûteux et réservé à un très petit nombre; il consistait à utiliser les courriers de la poste aux lettres, ceux du moins qui roulaient voiture et avaient de ce fait la possibilité d'emmener, outre les dépêches, un ou deux voyageurs. Ces courriers partaient deux fois par semaine pour Lyon, Metz, Nancy, Bordeaux, Rennes, Nantes et une seule fois pour Toulouse, Marseille et Dijon.


Une malle-poste arrivant au relais sous l'empire (Litographied'Horace Vernet).


Colbert préfère les voitures par eau.

Les routes ne sont toujours pas meilleures qu'au temps de Sully. Pourtant Colbert s'efforce d'obtenir des résultats mais les difficultés sont telles que le ministre, dans son souci d'améliorer le système des communications dans son ensemble, donne la priorité à la voie d'eau. Il s'en explique dans une lettre adressée, en 1670, à l'intendant des Flandres : « A l'égard du rétablissement des grands chemins de Lisle à Arras, il en sera mis un article dans l'instruction qui sera donnée pour la tenue des Etats de cette première ville. Mais j'estime qu'il sera bien plus avantageux de s'appliquer à faire des canaux ou à rendre les rivières navigables étant certain que les voitures par eau sont toujours beaucoup plus commodes et de moins de frais»
Il est vrai que la tâche est immense ; la largeur des grands chemins est fixée depuis longtemps à 60 pieds, soit 20 mètres (72 pieds dans la traversée des forêts pour dé­jouer les attaques des malandrins), et celle des chemins secondaires à 30 pieds mais ces limitations ne sont pas respectées et il est impossible de se croiser en de nombreux en­droits. Tantôt les riverains comblent les fossés pour les cultiver et plan­tent des haies en delà pour dissi­muler ces empiètements, tantôt ce sont les maltres-carriers qui affouil­lent les chemins sans même combler les trous.souvent désirer et telle voyageuse se plait).

On avait le temps de se connaître en voyage
Toutes les classes de la société, faute de mieux, utilisent les coches. Jean de la Fontaine, que le roi exile en province en 1663, de Clamart où il séjourne - s'en va à Bourgla-Reine «prendre la commodité du carrosse de Poitiers». Quels sont les voyageurs? Il nous le dit: «Point de moines, mains un valet de pied du roi, trois femmes, un marchand qui ne disait mot et un notaire qui ne cessait de chanter faux». Voilà la compagnie qu'il faut, bon gré, mal gré supporter pendant toute la durée du voyage.
Un autre moyen de voyager, toujours en collectivité, consistait à former une troupe de cavaliers avec des montures personnelles où, plus souvent, des chevaux de louage. Le jeune Racine voyage ainsi en 1661 pour aller de Paris à Uzès et il narre précisément cette équipée à La Fontaine: «Je commencerai à vous dire en prose que mon voyage a été plus heureux que je ne pensais. Nous n'avons eu que deux heures de pluie jusqu'à Lyon. Notre compagnie était gaie et assez plaisante: il y avait trois huguenots, un Anglais, deux Italiens, un conseiller du Châtelet, deux secrétaires du roi et deux de ses mousquetaires. Je ne manquais pas tous les soirs de prendre le galop devant les autres pour aller retenir mon lit». .
A Lyon, Racine embarque pour deux jours sur le Rhône, couche à Vienne puis à Valence et voici qu'il nous révèle avec esprit une autre difficulté des voyages au grand siècle: «J'avais commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays et à n'être plus intelligible moi-même. Ce malheur s'accrut à Valence et Dieu voulût qu'ayant demandé à une servante un pot de chambre, elle mit un réchaud sous mon lit. Mais c'est encore bien pis dans ce pays (Racine écrit d'Uzès): je vous jure que j'ai autant besoin d'un interprète qu'un Moscovite en aurait besoin à Paris».

Une table d'hòte en 1826 (Litographie de Leprince).
 table mais mauvais coucheurs.

Cette anecdote nous amène à dire quelques mots de l'hôtellerie. Cer­taines auberges isolées, surtout sur les chemins secondaires, sont de véritables coupe-gorges mais même les auberges bien tenues - c'est généralement le cas de celles qui bordent les routes fréquentées ­sont d'un confort très relatif. Les jugements, en ce qui les concerne, sont évidemment sujet à caution et l'humeur des auteurs de récits de voyage compte pour beaucoup dans la peinture qu'ils nous font des au­berges du XVIIe siècle. Sauf exception, les voyageurs vantent la cui­sine, le nombre, la qualité des plats et aussi la chaleur de l'accueil, par contre la propreté des lieux laisse souvent à désirer et telle voyageuse se plait d'avoir dû tuer 54 punaises en une nuit dans un hôtel nantais. Mais le plus gros défaut des auberges de l'époque est le manque de chambres et de literie. Certaines n'ont qu'une chambre dans laquelle se trouvent 3 ou 4 lits. On met donc fréquemment sept ou huit voyageurs à coucher dans une même chambre; lorsqu'on a la chance d'avoir un lit à sol il n'est pas rare d'être obligé de le partager au dernier moment avec un arrivant tardif qui peut évidemment être, au sens propre, un bien «mauvais coucheur». Des traités de civilité indiquaient d'ailleurs les règles de bienséance à respecter en pareille circonstance.
La Fontaine qui voyage en Limousin en 1663 est témoin à ce sujet d'un amusant petit fait: «Les gens d'un sieur Poltrot, et ceux de la dame de Nouaille, ayant mis les hardes de leur maître et de leur maîtresse en même hôtellerie et sur même lit, cela fit contestation. Potrot dit: «Je coucherai dans ce lit-là». «Je ne dis pas que vous n'y couchiez, répartit la dame de Nouaille, mais j'y coucherai aussi ». Par point d'honneur, et pour ne se" pas céder ils y couchèrent tous les deux».
Heureux pécore lorsqu'on dispose d'un lit même à plusieurs, car Madame de Sévigné, un jour, ne trouva pour lit que de la paille fraîche sur laquelle-nous dit-elle- «nous avons couché sans nous déshabiller».

Faire son testament avant de partir en voyage.
Ces désagréments dus à la médiocrité des auberges ne sont rien à côté d'autres dangers qui guettent le voyageur sur la route: celui de verser, naturellement, mais aussi celui d'être attaqué par des voleurs.
Le mot « brigandage» apparaît dans les almanachs du temps pour signaler les passages mal famés tout aussi naturellement que la mention «beau point de vue» sur les guides d'aujourd'hui. Il en est ainsi par exemple de la forêt de Percelgne, sur le chemin de Bretagne, ou de la montagne de Tarare, sur celui de Lyon.
Bien Dieu! Un arrêt du conseil royal ep. 1721 interdira à «tous maîtres de carrosses et autres voitures publiques, messagers, roul1ers conduisquent des personnes et des marchai'!dises entre Paris et le Bas Languedoc de passer par Pont-St. Esprit» tant est grande l'insécurité de la région».
Quant aux recommandations que donnent les guides et almanachs, elles sont multiples:
   «Se unir avant de partir de tablette!! de bouillon sec.
   Si le voyageur a froid une bougie allumée ramènera promptement la  chaleur dans l'intérieur de la voiture:
  Ne jamais descendre d'une voiture en marche, le mouvement du corps se trouvant alors en opposition   à celui de la voiture».
...Et j'en passe!
Ne nous étonnons pas dans ces conditions qu'avant un voyage de quelque importance les gens précautionneux fassent rédiger leur testament ou dire des messes pro itinerantibus pour s'attirer les faveurs du ciel.

Le départ de la diligence (Lithographie satirique de Leprince).




On peut enfin « faire diligence ».
Le début du XVIIIe siècle ne voit guère d'améliorations dans la manière de voyager: les routes sont encore mauvaises; Saint-Simon s'en plaint qui explique que «les chemins sont interceptés totalement en beaucoup d'endroits; il faut doubler ou tripler les chevaux pour traîner les voitures dans les chemins rompus où elles s'embourbent et cassent».

Bien pis, les vieux ponts qui ont tenu bon jusqu'alors se rompent les uns après les autres. Sur la Loire, tous les ponts datant du Moyen Age sont emportés par les crues entre 1707 et 1711 ; un .seul pont enjambe la Garonne à:roulouse. Le Rhône n'a que le pont de la Guillotière et celui du Saint-Esprit, le vieux pont d'Avignon ébat impraticable depuis 16g1. .


Les carrosses, naturellement, sont toujours aussi lents. Celui de Strasbourg, en 1750, est une voiture ovale suspendue aux roues par des chaînes et surmontée à chaque bout par un grand réceptacle en osier. Les voyageurs s'assoient en ellipse le long de la paroi. Ce coche quitte Paris tous les samedis à 6 heures du matin pour arriver à Strasbourg le douzième jour avec nuitées à Meaux. Château-Thierry. Epernay. Chalons, Vitry-le-François, Bar-le-Duc. Void. Nancy. Herbéviller. Sarrebourg et Wiversheim.
Pourtant, à partir de 1716, avec la création du corps des Ponts et Chaussées, la situation change du tout au tout. Les ponts sont reconstruits : celui de Blois, en premier, par Gabriel en 1725 et bien d'autres à la suite. Les grandes routes sont empierrées sauf celles des régions comme la Champagne dépourvues de matériaux solides et pour lesquelles il faudra attendre que le chemin de fer puisse se charger des approvisionnements nécessaires, Trudaine et Perronet consacrent toute leur énergie à l'amélioration du réseau routier  mais cette dernière est due aussi à l'obligation de la corvée royale qui, atteignant en moyenne 50 jours par an, fut une des institutions les plus détestées de l'ancien régime.
Une diligence des Messageries Royales de la rue N. D. des Victoire. (Lithographie de Victor Adam).




Cependant l'amélioration est si grande qu'enfin quelques voitures commencent à rouler de nuit. Plus légères, elles sont si rapides qu'on leur donne le nom de carrosses de diligence, puis de diligences tout court. En 1760, d'après l'almanach de la ville de Lyon, il y avait au moins trois manières différentes d'aller à Paris; on avait le choix entre:
- le carrosse qui, passant par le Bourbonnais, Nevers et la Charité, atteignait Paris en dix jours et demi;
- le coche par eau qui atteignait Chalon en deux jours et demi et qui était relayé par une patache touchant Paris au bout de huit jours. Une variante, l'été, consistait à quitter la voiture à Auxerre et, de là, à utiliser un second coche par eau jusqu'à la capitale; enfin la diligence d'eau, toujours pour Chalon, (2 jours à la montée, 1 jour à la descente) relayée par une diligence à ressorts qui par parvenait à faire le parcours en moins de quatre jours avec coucher à Saulieu, Auxerre et Chailley. C'était, selon un témoignage du temps, «la voiture la plus utile et la plus commode du royaume; elle fait vingt; lieues par jour ».

Les meilleures routes d’Europe
Nous en arrivons, maintenant, à la grande réforme de Turgot en 1775, véritable nationalisation avant la lettre; le ministre, révoquant toutes les concessions particulières, créa l'administration dite des diligences, carrosses et messageries. Cette dernière avait le monopole absolu du transport des voyageurs et des messageries pour les paquets de cinquante livres et moins. Seul le roulage restait entièrement libre à la condition, bien entendu  de ne pas utiliser les chevaux de relais ni d'assurer un service régulier.
Il' n'était pas permis aux particuliers d'assurer un transport de voyageurs même à titre bénévole, et plus d'un voiturier se vit dresser procès-verbal pour avoir recueilli un piéton par complaisance.
Les diligences des Messageries pouvaient relayer avec les chevaux de la poste aux lettres au lieu de se contenter de ceux de la seule poste aux chevaux et elles ne s'arrêtaient plus que pour les repas. Le nouveau service fut inauguré le 1er avril 1776 et l'hôtel des  Messageries s'installa, l'année suivante, rue Notre-Dame-des-Victoires. Pour commencer, six lignes de Turgotines, comme on appela bientôt Ces diligences, furent mises en service par les messageries royales: celles de Paris à Nancy, à Châlons-sur-Marne, à Sedan, à Soissons, à. Saint-Quentin et à Noyon.
Bien entendu, cette, réforme fut très mal accueillie par ceux qu'elle lésait et en particulier par les aubergistes et les anciens concessionnaires. Une campagne de pamphlets d'une violence inouïe fut dirigée contre le ministre et contribua certainement à sa chute. Pourtant les messageries royales subsistèrent et le public y trouva son avantage.
La diligence renversée (Lithographie satirique de Leprince).

D'ailleurs malgré la hargne et la grogne, les voyageurs, qui sont seuls juges, ne tarissent pas d'éloges sur la qualité des routes et la rapidité des diligences. Voltaire lui-même, d'habitude peu tendre pour le régime, écrit: « On s'embourbe aujoun1'hui en été dans l'auguste Germanie. De toutes les nations modernes, la France et le petit pays des Belges sont les seuls qui aient des chemins dignes de l'antiquité ». L'Allemand Henri Storch qui vient de Strasbourg à Paris en 1780 est aussi satisfait: «la vitesse à laquelle marchent les diligences est très grande; le changement de chevaux ne prend à peine aucun temps; ils attendent tout harnachés devant la poste et souvent les voyageurs n'ont pas le temps de descendre, bonnes routes, bons chevaux, voitures commodes, tout est réuni pour rendre un voyage en France agréable au possible» et l'Anglais Arthur Young, lui aussi, trouve les routes «en général bien meilleures» que dans son pays, Les témoignages concordent donc. Depuis Louis XIV, il Y a quelque chose de changé sur les routes de France!

Les Parisiens utilisent « gondoles » et « pots de Chambres »
D'après la liste générale des Postes, à la veille de la Révolution, la durée du voyage dans les voitures de poste transportant - rappelons le - 1 ou 2 voyageurs, est ramenée à 4 jours et demi de Paris à Strasbourg. On va à Lyon en 5 jours, à Lille en 2 jours, à Toulouse en 8 jours et à Marseille en 13 jours,
Les diligences n'allaient pas tout à fait aussi vite mais les temps se trouvaient tout de même réduits dé moitié par rapport aux horaires du début du siècle. Leur grand inconvénient restait leur tarif relativement élevé si bien que beaucoup de gens de condition modeste uti1isaient .encore des guimbardes ou des charrettes aussi inconfortables et aussi lentes que les coches du temps de Charles IX.
Une diligence traversant le Loir à La Flèche. On note qu'une arche du pont, rompue, a été remplacée par une charpente. (Lithographie de Lemercier.)




Les environs de Paris n'étaient pas desservis par les diligences, mais par toutes sortes de guimbardes appelées coucous, carabas, pots de chambre, gondoles, et où les voyageurs se trouvaient à peu près aussi entassés que dans le métro à l'heure de pointe. En 1778 on établit un service régulier et quotidien entre Paris et les villages d'alentour. On destin guait les charrettes couvertes où l'on payait 4 sols par lieue, les voitures ordinaires à six places qui coûtaient 6 sols et enfin les voitures dites extraordinaires à 2 ou à 4 places pour lesquelles on exigeait 10 sols par lieue mais qui partaient des portes de Paris chaque fois qu'il y avait des voyageurs.
       
La Révolution provoqua la désorganisation de tout ce système de communications péniblement mis sur pied. Toutefois, l'Assemblée constituante ordonna la création d'un service de malle-poste qui étaient des charrettes à deux roues - il y en avait 27 pour toute la France tirées par un cheval. Le courrier ne pouvait emmener qu'un  seul voyageur. Au 1er janvier 1792, sur 14 routes dites de première section, ces malles-charrettes furent remplacées par des véhicules plus grands appelés courriers-paniers et tirés par trois chevaux. Ces voitures avaient une caisse en osier peinte en vert et surmontée d'arceaux soutenant une bâche en cuir. Elles pouvaient transporter quatre voyageurs en plus du courrier et de sa malle.
Le Directoire, plus libéral que les gouvernements qui l'avaient précédé, autorisa la reprise d'activité des messageries le 9 vendémiaire an VI (1798). Les anciennes messageries royales, devenues «nationales» se réinstallèrent rue Notre-Dame-des Victoires et n'en bougèrent plus jusqu'à leur disparition définitive mais l'abandon du monopole d'Etat provoqua la formation de nombreuses compagnies rivales: «Vélocifères», «Célérifères», et bien d'autres,
Ces compagnies multiplièrent leurs propres relais au détriment des maitres de poste. Or ces derniers étaient indispensables aux communications officielles, ce qui obligea Napoléon à intervenir, en leur faveur par la loi du 15 ventôse an XIII (mars 1805) et à les indemniser: «Tout entrepreneur de voitures publiques et de messageries qui ne se servira pas de la poste sera tenu de payer par poste et par cheval attelé à chacune de ses voitures, 0 francs 25 au maître de relais dont il n'emploiera pas les chevaux», Malgré les protestations des entreprises de messageries, cette taxe fut maintenue sous la Restauration.
La malle-poste embourbée. (Lithographie satirique de Leprince).

L’apogée des malles poste
Rentré en France dans les fourgons de l'étranger - ce que d'aucuns lui reprochent - Louis XVIII importe en même temps d'Angleterre un nouveau type de malles poste inspirées par la technique d'outre-manche, En 1819, ces malles aux portières jaunes décorées des armes royales remplacent les vieux courriers-paniers. Ces véhicules, tirés par quatre chevaux montés par deux postillons, comportent, sur le devant, un coupé pour le courrier et un voyageur puis une rotonde de trois places surmontée d'une bâche de cuir; lettres et paquets sont, pour la première fois, enfermés dans un coffre placé tout à l'arrière.
Tout au long des années qui vont suivre les malles-postes ne cesseront de faire des progrès. Le règlement des postes veille d'ailleurs sur la régularité du service: il est accordé cinq minutes pour atteler les voitures, trois quarts d~heure pour parcourir deux lieues...
Des exemples? Les malles qui mettaient 86 heures en 1814 pour aller de Paris à Bordeaux (77 relais) font le parcours en 44 heures en 1836. De même la durée du trajet tombe, sur Paris-Marseille d'une centaine d'heures à 68, sur Paris-Brest de 87 à 60 heures.

Victor Hugo n'aime pas la vitesse

Cette vitesse n'est pas du goût de tout le monde et Stendhal n'apprécie guère les jours de voyage « On les passait à dormir ou à manger du pâté sans pouvoir prendre contact avec les populations des pays qu'on traversait»; Victor Hugo renchérit, tour à tour ironique et véhément: « deux nuits en malle-poste laissaient une haute idée de la solidité de la machine humaine. On y était horriblement secoué...»; on allait « à grands coups de fouet, à franc étrier, sans boire ni manger, ni respirer à peine avec quatre diablesses de roues qui mangent les lieues vraiment quatre à quatre ».
1840 vit l'apogée des malles-poste avec l'apparition de 400 nouveaux véhicules dits Briskas qui comportaient à l'avant un siège pour 2 personnes, puis un coupé en contrebas éclairé par un châssis et abritant 3 voyageurs et, à l'arrière, surmontant .le coffre, un cabriolet très haut pourvu d'une capote mobile où 2 voyageurs prenaient place avec le courrier. Ces voitures ne disparurent qU'avec la mise en service des wagons et compartiments postaux sur le chemin de fer. 13 ou 14 routes au départ de Paris étaient parcourues par ces malles-poste à raison de 3 ou 4 circulations par semaine.
Les nombreuses voitures qui sortaient à la file vers 5 h de l'après-midi de l'hôtel général des Postes et partaient à un train d'enfer vers les barrières de Paris, menées par le postillon en veste bleue à revers rouge, culotte de peau et hautes bottes, avec leur courrier, fièrement juché sur le cabriolet à l'arrière et maitre après Dieu de la voiture, des dépêches et des passagers, devaient apparaître aux badauds parisiens comme le moyen de transport le plus parfait, le plus accompli que l'on puisse imaginer. Bien peu songeaient que les quelques locomotives qui haletaient à l'embarcadère du Paris-Saint-Germain annonçaient des temps nouveaux.

La diligence des messageries Laffitte et Catillard. Les trois compartiments: coupé intérieur et rotonde se différencient nettement. (Lithographie de Victor Adam).



L'âge a: or des diligences

Et les diligences? Comme les malles-poste, elles s'étaient rapidement développées malgré les taxes imposées aux entreprises de messageries.
 «Large; haute, de dimensions énormes, la diligence a la solidité nécessaire pour porter dix éléphants» écrit un voyageur anglais, le révérend Dibgin, en 1818. En fait, cette voiture pesant cinq tonnes (sept pour les diligences de Lyon) pouvait porter, non dix éléphants, mais dix-huit ou vingt voyageurs répartis dans les trois compartiments clos - le coupé avec les trois places les plus chères, l'intérieur et la rotonde avec chacun six voyageurs- et sur l'impériale dont les trois places étaient évidemment les moins coûteuses.
Le galop était interdit, le petit trot étant seulement admis avec traversée au pas dans les villages. Cette modération d'allure n'empêchait pas les accidents, les voitures trop chargées sur l'impériale, étayât instables. En 1827, quatre mille diligences allèrent au fossé, faisant à peu près un millier de morts. La route avait ses victimes, bien avant l'automobile.
Pourtant, si l'on allait moins vite qu'en, malle-poste, on gagnait du temps par rapport aux premières diligences. On faisait une lieue en 30 minutes, Paris-Bordeaux (157 lieues) en 5 jours et Paris-Lyon (120 lieues) en moins de 4 jours, et cela pour un prix de plus en plus abordable : 1 franc par lieue en 1789 et 45 centimes seulement en 1832.
Le «couco », véhicule utilisé pour les trajets à courte distance et notamment des portes de Paris aux villages de la banlieue. (Lithographie de VictorAdam)
De Paris à Orléans il n'y avait plus que 13 heures de diligence vers 1830 et une telle rapidité présentaient inévitablement quelques inconvénients dont l'un apparaît dans un guide du temps, écrit par Narratius Viator, sous la forme à la mode d'une relation de voyage:
Ayant quitté Paris à 6 heures « on se mit à table à midi trois-quarts. A peine il était une heure et déjà le conducteur nous signifiait le signal du départ... Je demandais, de fort mauvaise humeur si, à
Etampes, l'on ne dînait qU'avec les yeux. Chacun se récria sur le prix d'un repas à peine commencé, mais il n'en fallut pas moins payer intégralement et sans rabais... Heureusement qu'à Orléans - où l'on arrive passé sept heures - on soupe posément. »
Encarre un détail intéressant: le lendemain, après Blois, alors que Narratlus occupe l'impériale et peut ainsi contempler à son aise «cette belle levée de la Loire, conquête hardie de l'agriculture », l'hirondelle (c'est le nom de la diligence) dépasse la voiture de la rue Notre-Dame-des-Victoires, ce qui - on l'a vu - n'est pas sans danger.
Ce petit épisode du voyage nous amène à poser une question puisque nous voyons deux diligences se suivre sur la route' de Tours: y avait-il concurrence entre les entreprises de messageries?
En fait, à la fin de l'époque des diligences, on ne comptait plus que deux compagnies puissantes dont les services couvraient la plus grande partie de la France:
Une « briska », le type le plus évolué des malles-poste. Le postillon à l'avant et le courrier des postes à l'arrière dominent de haut les voyageurs du coupé. (Lithographie de Victor Adam).



- Tout d'abord les Messageries nationales, puis impériales, puis royales, fondées en 1798 et installées - rappelons-le - rue Nôtre
Dame-des-Victoires, à la place de l'ancienne régie des Messageries de Turgot.
- En second lieu, les fameuses Messageries générales Laffitte et Catillard créées en 1826 par fusion de diverses entreprises et commanditées principalement par le banquier Jacques Laffitte, qui s'étaient installées rue Coq-Héron.
Les deux entreprises se partageaient le trafic et s'étaient arrangées pour éliminer toutes les sociétés rivales dès lors qu'elles semblaient vouloir prendre trop d'importance. C'est ainsi qu'elles ruinèrent, à la suite de procès mémorables ou de guerres des tarifs, les «Messageries du commerce et les Messageries françaises. Par contre, elles laissèrent subsister des entreprises purement régionales comme Dolezac à Bordeaux ou Galline et Cie à Lyon, ainsi que les milliers de petits entrepreneurs n'assurant que des dessertes locales avec un matériel la plupart du temps très sommaire.

La fin des chemins de Pierre
L'âge d'or des diligences se situe au même moment que celui des malles-poste au point que la concurrence des messageries réussit à faire tomber les profits de l'administration  des   postes en ce  qui concerne le transport des voyageurs de2.272.667F en 1830 à 1.892.286 F dix ans plus tard. Pourtant les uns comme les autres sont condamnés.
En 1856, l'année d'avant leur disparition définitive, les malles-poste ne rapportent plus que 143 269 F; et la cause en est, cette fois, le développement des chemins de fer. Les messageries de la rue Notre-Dame-des-Victoires et de la rue Coqueron avaient essayé de lutter contre le chemin de fer et, dans certains cas de pactiser avec lui. En effet, en 1843 les diligences de Laffitte et Camard partant pour le sud prenaient le train! Elles se rendaient à l'embarcadère du P.O. où la caisse était mise sur wagon, sans que le conducteur ni les voyageurs aient à descendre de l'impériale, puis elles reprenaient la route à Orléans. Mais la lutte n'était pas égale; tandis que - jouant un rôle plus modeste de rabattement - les chemins de terre subsistaient avec leurs services de correspondance, les chemins de pierre, pour leur part, faisaient place aux chemins de fer.
 Une forme de coordination rail-route qui ne suffit pas à sauver les entreprises de messagerie: En 1843, les diligences de Laffitte et Gaillard chargées à l'embarcadère de Paris étaient remises sur roues à Orléans. (Lithographie de Bayot).





 La_Vie du Rail-1969 

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